Une demande qui gêne...[PV Gordon]

Depuis maintenant dix ans Gordon vivait dans ce bureau. Il consultait l'état des différents stocks, organisait le rationnement pour tenir le plus longtemps possible. Au vu de l'état dramatique des réserves il allait devoir encore une fois durcir le rationnement. Il soupira, à ce rythme là ils pourraient tenir encore deux mois, peut-être, après ils commenceraient à mourir de faim... si le manque de médicament ne tuaient pas l'ensemble de la population avant. Le quinquagénaire poussa un soupire et se massa les tempes. Il avait beau tourner et retourner le problème dans tout les sens il n'y avait aucune solution... ou du moins aucune solution acceptable.

Le dirigeant de l'abri retira son chapeau et le posa sur la table quelques secondes. Il ne le quittait presque jamais et encore, uniquement lorsqu'il était seul. Le sommet de son crâne commençait déjà à se dégarnir lors de l'attaque et, aujourd'hui, il n'y avait plus que quelques cheveux épars. D'ici un ou deux ans il ressemblerait à un moine. Cette pensée le fit sourire, pour la première fois depuis le début de la journée, et il revissa son chapeau sur son crâne.

Ses yeux retombèrent sur le dernier inventaire et il repoussa les quelques feuilles griffonnées d'un revers de la main. Il ne pouvait pas admettre qu'ouvrir les portes étaient leur seule alternative, il ne pouvait pas se résoudre à exposer les résidents de l'abri au dehors. Il s'efforçait d'être toujours aussi rassurant que possible quand il était avec d'autres personnes mais il savait bien, lui, qu'ils étaient condamnés et qu'ouvrir la porte n'arrangerait rien, voire pire, accélérerait leur mort. Quelqu'un frappa à sa porte, ce qui le surpris car il n'attendait personne. Il réajusta son chapeau et sa cravate avant de lâcher un "Entrez" de sa voix grave et forte. Peu de personnes se risquaient à lui rendre visite à l'improviste et Gordon paria sur John Waller, le chef de la sécurité. Celui-là même qui avait tenté de le convaincre de le laisser organiser une expédition il y a deux ans. Il avait beau être premier lieutenant dans l'armée de terre, que connaissait-il au nucléaire ? Rien, rien du tout, comme tout le monde. Si Gordon en savait beaucoup plus que la plupart des gens c'était grâce aux contacts qu'il avait gardé du temps où il était Major de l'US Air Force et qu'il travaillait sur les bombardement nucléaires au Japon. Repenser à tout ça déclencha un frisson qui couru le long de sa colonne vertébrale et les images horribles de l'explosion envahirent à nouveau son esprit. Il les repoussa tant bien que mal et reporta sa concentration sur le visiteur qui venait d'entrer dans son bureau. Il avait raison, c'était bien Waller, il devait certainement avoir été mis au courant pour les réserves et Gordon savait pourquoi il venait... La discussion promettait d'être très désagréable...

L'homme semblait tendu, de l'anxiété se lisait sur son visage. Visiblement il n'était pas très à l'aise.


"Monsieur, excusez moi de vous déranger. Je tenais à vous parler de quelque chose d'important. Je pense que vous savez tout aussi bien que moi que les réserves commencent à se vider. Nous serons bientôt en pénurie pour la plupart des objets du quotidien. Et l'infirmerie manque cruellement de médicament. Je viens donc vous demander la permission d'organiser une expédition en dehors de l'abri.Je sais que nous en avions déjà parlé il y à deux ans, mais la situation est encore plus critique qu'avant..."


Il ne s'était pas trompé, Gordon s'éclaircit la voix, semblant réfléchir à la proposition de l'ancien soldat du Vietnam. Finalement, tout en posant tranquillement ses mains sur la table, il prit la parole.


"Lieutenant Waller, je prends très bien conscience de la gravité de la situation. En revanche je suis étonné que vous ne veniez me le dire que maintenant. Cela fait plusieurs semaines que nos stocks sont dans cet état, pourtant nous survivons très bien. Nous pouvons encore tenir deux mois avant que la situation ne soit réellement catastrophique. Nous reparlerons de votre projet dans un mois, nous aurons ainsi le temps de planifier correctement votre opération."


Beaucoup de choses pouvaient arriver en un mois. La moitié de la population de l'abri pouvait être décimée par une épidémie par exemple... ou le chef de la garde pouvait être retrouvé mort, abattu dans le dos par le gamin amnésique qu'il avait recueilli... ce.. William ? Stanislas ? Stanley ? Qu'importe son nom, il avait été plusieurs fois surpris en train de voler dans les réserves durant les dix années, il ferait un bouc-émissaire parfait, et une bouche de moins à nourrir. Gordon s'aperçut que le lieutenant allait protester et le devança.


"Je sais très bien que nous manquons de denrées élémentaires Lieutenant, c'est pour ça que j'envisage sérieusement de vous ouvrir la porte quand nous aurons planifié votre expédition, dans un mois. D'ici là nous allons encore devoir durcir le rationnement, malheureusement."


Le dirigeant de l'abri espérait que l'officier serait trop content d'avoir obtenu gain de cause et le laisserait tranquille pendant le mois à venir. Mais il se doutait qu'il allait protester, au moins un peu, pour essayer d'avoir moins longtemps à attendre... Gordon resta impassible et attendit que le militaire quitte la salle en le remerciant ou, plus probablement, proteste d'une manière où d'une autre.

Le vieux dirigeant posa ses mains sur son bureau et tint ces propos:

"Lieutenant Waller, je prends très bien conscience de la gravité de la situation. En revanche je suis étonné que vous ne veniez me le dire que maintenant. Cela fait plusieurs semaines que nos stocks sont dans cet état, pourtant nous survivons très bien. Nous pouvons encore tenir deux mois avant que la situation ne soit réellement catastrophique. Nous reparlerons de votre projet dans un mois, nous aurons ainsi le temps de planifier correctement votre opération"


Un mois ? Un mois ! C'était de l'inconscience ! Tant de choses pouvaient arriver en un mois !
John Waller allait protester, mais Feld le devança:

"Je sais très bien que nous manquons de denrées élémentaires Lieutenant, c'est pour ça que j'envisage sérieusement de vous ouvrir la porte quand nous aurons planifié votre expédition, dans un mois. D'ici là nous allons encore devoir durcir le rationnement, malheureusement."

Son interlocuteur était parfaitement calme. Il fixait John d'un regard implacable, le regard qui n'attendait pas d'objection. Mais c'en était trop pour John.

"Monsieur, je vous remercie pour cette proposition, mais je crains qu'elle ne soit...inadaptée...à la situation. Beaucoup de choses peuvent arriver en un mois. Une épidémie pourrait très bien se déclencher la semaine prochaine. Nous devrions intervenir en urgence et qui sait combien de temps cette expédition durera. Nous ne serions peut être pas de retour à temps. Quel intérêt de sortir dehors, de risquer sa vie pour ne trouver que des morts en revenant? Quand au problème d'organisation, sachez que cette expédition est déjà prête depuis longtemps, en fait depuis deux ans. J'ai déjà une équipe, elle n'attend que votre accord pour se mettre en route. Nous connaissons déjà notre objectif et nous avons l'équipement nécessaire. Je ne vois pas ce que nous pouvons organiser d'autre.
Et j'ajouterais que nous devrions commencer avant que les réserves soient encore plus critiques. Si nous faisons cette expédition le plus tard possible, et qu'elle se révèle infructueuse, alors nous mourrions tous. Si nous essayions tout en ayant encore des réserves, nous aurions le droit à quelques échecs.
Voilà pourquoi, Monsieur, un mois me paraît beaucoup trop long"

Il attendit la réponse du dirigeant, sachant qu'il avait beaucoup de chance de se heurter à un refus catégorique.

Le dirigeant de l'abri écouta patiemment et posément ce que sont interlocuteur avait à lui dire. Il hochait la tête de temps en temps, pour manifester son attention au discours du chef de la garde et sa compréhension de ses arguments. Une fois que celui-ci eut fini, Gordon se servit un demi-verre d'eau. Lui aussi, comme tout les autres, était soumis au rationnement et devait se contenter d'un litre d'eau par jour. Il garrotté quelques instants le verre et en but deux gorgées. Il posa à nouveau son regard vers le Lieutenant John Waller qui était tendu par l'absence de paroles depuis près d'une minute mais qui n'osait prononcer le moindre mot. L'ancien membre de la délégation représentative de l'Arizona reprit la parole, plongeant ses yeux verts dans les yeux marrons du militaire.

"Lieutenant... combien d'opérations militaires avez-vous organisés jusqu'à présent ?"

La sincérité du jeune homme l'avait touché et il était près à lui laisse sa chance, si seulement il était près à prendre son mal en patience et à ne pas se laisser dépasser par la fougue de la jeunesse et son inexpérience. En revanche, s'il restait borné et refusait de coopérer il n'obtiendrait rien du dirigeant de l'abri. Mais Gordon avait toujours été un bon juge d'hommes et avait toujours fait confiance à son intuition... et elle ne l'avait jamais trahie jusqu'à présent.

Son interlocuteur l'écouta avec calme. Il fit comprendre, par quelques hochements de tête, qu'il était concentré sur son discours. Quand John termina de parler, un silence assez pesant s'installa. Le dirigeant se servit tranquillement un demi-verre d'eau. Pendant qu'il buvait son eau, John appréhenda la réponse du dirigeant. Il venait de sortir tout ses arguments. Si Feld trouvait encore quelque chose à répondre, John serait en mauvaise posture.

Le dirigeant lui posa alors une question :


"Lieutenant... combien d'opérations militaires avez-vous organisés jusqu'à présent ?"

John fronça les sourcils. Il venait de toucher un point sensible. En effet, John n'avait jamais eu à organiser d'opérations militaires. Même au Vietnam. Il encadrait simplement les forces locales.
Dans ce pays de l’Asie, il avait découvert les horreurs de la guerres, lors d'escarmouches entre les forces locales et les insurgés. Mais aussi les responsabilités d'un meneur d'homme.
John était quelqu'un de franc et d'honnête. Il répondit donc:

"Aucune, monsieur"

"Aucune, monsieur"

Le dirigeant de l'abri posa tranquillement son verre d'eau sur le bureau et contempla les traits de son interlocuteur. Il avait visiblement comprit où Gordon voulait en venir et cela avait quelque peu ébranlé sa confiance. Satisfait de l'effet qu'il avait provoqué chez le lieutenant, l'ex-major de l'US Air Force reprit la parole.

"Bien. Vous comprenez donc lieutenant que je ne peux pas vous laisser avoir entre vos mains la vie ou la mort de l'abri tout entier. Nous ne savons pas à quoi nous attendre à l'extérieur c'est pourquoi nous devons être prêts à toutes les possibilités. Il faut donc mettre en place un plan d'action adaptable et définir clairement les objectifs et les étapes des expéditions. J'imagine que vous aviez prévu de partir avec un petit groupe, disons quatre ou cinq personnes, dehors et de foncer tête baissée vers le premier commerce que vous croiserez... n'est-ce pas, lieutenant ?"

Gordon était revenu 25 ans en arrière, il était replongé dans la Seconde Guerre Mondiale et était de nouveau en train d'échafauder des plans et d'organiser la logistique de diverses opérations militaires dans le pacifique. Il en avait oublié ses tempes grisonnantes, ses problèmes de calvitie et son dos perclus de rhumatismes. Il était redevenu en quelques instants le Major Gordon Scott Feld, officier prometteur et talentueux de l'US Air Force, second du Colonel Kinsley, chargé de l'approvisionnement des troupes et du soutien logistique depuis la base aéronavale de Midway, en plein milieu du pacifique.

Son interlocuteur avait sans aucun doute perçut la soudaine baisse de confiance de John. Il posa son verre et dit :


"Bien. Vous comprenez donc lieutenant que je ne peux pas vous laisser avoir entre vos mains la vie ou la mort de l'abri tout entier. Nous ne savons pas à quoi nous attendre à l'extérieur c'est pourquoi nous devons être prêts à toutes les possibilités. Il faut donc mettre en place un plan d'action adaptable et définir clairement les objectifs et les étapes des expéditions. J'imagine que vous aviez prévu de partir avec un petit groupe, disons quatre ou cinq personnes, dehors et de foncer tête baissée vers le premier commerce que vous croiserez... n'est-ce pas, lieutenant ?"

Une véritable vulgarisation de son plan...John n'était pas bête à ce point non plus. Foncer sur la première boutique en vue était ridicule. Non, il avait prévu bien mieux.

"Vous avez raison pour l'équipe, je comptais n’emmener que quatre ou cinq personnes maximum. Je pense qu'il est déraisonnable d'exposer plus de personnes aux dangers de l'extérieur. Par contre, j'avais déjà un objectif plus précis que la première boutique qui passe. J'avais pour idée de me rendre au centre hospitalier de la capitale. Celui qui se trouve à l'est du métro central et qui fais une vingtaine d'étage. Autrefois, une petite demi-heure suffisait pour le rejoindre à pied. Avec la ville qui sera certainement en ruine, je planchais sur une heure au minimum... voir deux ou trois.
Nous ne savons pas si la radiation est forte ou non, je pensais donc emporter des compteurs Geiger. Au moindre signal alarmant du compteur, nous annulions l'opération"

Il fit une légère pause puis continua:

"Pour la logistique, je comptais équiper le groupe légèrement : nous devons garder de la place pour transporter les médicaments. Donc, une arme normal, une arme de poing et un équipement restreint.
Je suis conscient que nous ne savons pas ce qui nous attend dehors, mais malheureusement, nous ne pouvons pas emporter trop d'équipement non plus, sinon l'opération ne serait pas fructueuse. Un équipement léger nous permettra aussi de bouger plus facilement dans les éventuelles ruines"

Il pensait avoir fait le tour. De toute façon, s'il avait oublié quoi que se soit, Feld le lui demanderais immédiatement.

Gordon écouta attentivement tout le plan en détail. Il fut content de constater qu'il avait bien choisi son chef de la garde et qu'il n'était pas tombé sur quelqu'un de trop stupide. En revanche il y avait quelques problèmes.

"Je pense que vous êtes un peu trop pressé, Lieutenant. La première chose à faire serait de vérifier que les tunnels du métro autour de nous sont sans dangers avant même de songer à accéder à la surface. Ensuite notre priorité devrait être d'établir si il y a oui ou non une menace à la surface. Qu'il s'agisse de soldats russes, cubains ou d'autre chose. Ensuite, et ensuite seulement, nous pourrons songer à récupérer ce qu'il nous manque. L'objectif principal de votre première équipe devra être une priorité de reconnaissance et d'étude du terrain. Au besoin vous pouvez toujours dépêcher une deuxième équipe qui se contentera de contrôler le métro et qui cherchera à savoir s'il y a eu oui ou non des éboulements bloquant les voies et où ces éboulements se situent-ils. Savoir à quelles stations nous pouvons sortir nous permettra de planifier les opérations suivantes, s'il y en a."

Le dirigeant de l'abri marqua un temps d'arrêt pour signifier au jeune officier qu'il était temps pour lui de s'exprimer à ce propos. Une fois que la question des objectifs serait réglée, il faudrait passer aux procédures. Il était vital que tous sachent quoi faire face à n'importe quelle situation afin de gagner en réactivité et donc en efficacité. En attendant une réponse, le dirigeant sorti un deuxième verre et le rempli à moitié. Le chef de la garde devait certainement avoir soif tant il avait parlé depuis le début de l'entrevue. Il poussa légèrement le verre à moitié plein, lui signifiant qu'il lui était offert.

Le dirigeant exposa son avis une fois que John avait finis de parler. Le Lieutenant l'écouta et dût admettre qu'il avait raison. John avait complètement oublié le métro et ses alentours. Trop pressé sans doute d'explorer la surface. Il étudia le plan que lui exposait le dirigeant et admit que c'était la bonne voie à suivre. Une fois qu'il eut finis de parler, Feld remplit un second verre d'eau et le poussa vers le Lieutenant.

Ce dernier prit le verre d'eau et s'adressa au dirigeant :

"Merci"

Il prit une gorgée. L'eau de l'Abri avait un désagréable arrière gout. En même temps, après 10 ans sous terre, on pouvait s'estimer heureux d'avoir encore de l'eau. Gardant le verre en main, il répondit donc à Feld.

"Oui, vous avez raison. Il semblerait que dans mon empressement, je n'ai pas pensé à vérifier d'abord le métro. Je pense que former deux équipes seraient profitable, afin de ne pas perdre trop de temps. Elles pourraient même partir en même temps"

Il prit une deuxième gorgée et continua :

"Je suis d'accord sur le but de l'expédition. Vérifier l'extérieur était un de mes objectifs premiers, avec trouver des médicaments. Qui sait ce qui nous attend là haut..."

Il attendit donc que le dirigeant reprenne la parole, n'ayant rien à ajouter de particulier.

L'humeur du dirigeant de l'abri allait en s'améliorant. Celui qu'il avait désigné comme chef de la garde n'était définitivement pas un abruti, il manquait juste encore du recul nécessaire à une vision d'ensemble, mais cela viendrait. La dernière phrase du lieutenant lui permettait de rebondir sur le sujet qu'il souhaitait aborder ensuite.

"Vous avez parfaitement raison : on ne sait pas ce qui nous attend. Je vous conseille de définir clairement des procédures avec vos hommes. Vous ne devez pas laisser une seule place au hasard. Si les hommes de votre équipe ou de l'autre équipe ne savent plus quoi faire, même l'espace d'une simple minute, vous courrez à la catastrophe. Si vous voulez assurer votre autorité vous devez leur donner l'impression que tout est sous contrôle, même l'incontrôlable. Personne n'est préparé à ce qui nous attendes dehors, pourtant vous devez donner l'impression que vous vous y êtes préparé depuis le jour de votre naissance. Me suis-je bien fait comprendre lieutenant ?"

Il avait reprit le ton, le regard et la stature de l'officier qu'il avait été plusieurs années plus tôt. Il avait oublié ses tempes grisonnantes, son début de calvitie et les problèmes de rationnement. Il fixait droit dans les yeux le jeune officier, comme s'il pouvait lire à travers lui comme dans un livre ouvert. Il dégageait une autorité et une confiance à même d'impressionner un général russe tout droit sorti d'un goulag sibérien. Avant que le lieutenant ne réponde, Gordon ajouta encore quelque chose.

"Organisez-vous avec vos hommes, vous sortez dans deux jours. Vous devrez assurer un contact radio avec l'abri tout les quart d'heure. Nous ne pouvons pas risquer de laisser la porte ouverte durant toute la durée de l'opération. Vous devrez aussi préparer une troisième équipe qui restera à la base et servira à vous apporter une couverture en cas de retraite. Quelque chose à ajouter ?

Le Lieutenant vit que son interlocuteur semblait s'investir dans son projet, beaucoup plus qu'à son arrivée dans le bureau. Il y avait une flagrante différence entre le Feld de tout à l'heure et le Feld de maintenant. Celui de maintenant semblait plus...militaire. Il semblait également plus content. Du moins, il ne fixait plus John d'un regard glacial, comme lorsqu'il était arrivé dans la piéce.

John termina son verre d'eau tout en écoutant le dirigeant, qui reprenais la parole.

Feld lui demanda de créer une procédure à respecter durant la sortie et de paraître impassible , de garder son sang-froid dans les situations extrêmes. Les qualités d'un bon meneur homme. Ce petit discours rappelait à John sa formation en école d'officier dans le Texas, lorsqu'il était plus jeune.
John acquiesça de la tête quand le dirigeant lui demanda s'il avait compris, et Feld continua sur sa lancée en lui donnant quelques instructions. Notamment, de garder un contact radio et de préparer une troisième équipe en soutien.

John hocha à nouveau de la tête et posa son verre vide sur le bureau.

"Compris, Monsieur. Je n'ai rien à ajouter "

Après avoir vidé son demi-verre d'eau, le lieutenant avait attesté qu'il n'avait pas de question et que tout était clair. L'ex-major de l'US Air Force resta silencieux quelques secondes et regardant droit dans les yeux son interlocuteur.

"Vous pouvez disposer Lieutenant."

L'homme se leva et s'apprêta à quitter la salle. Juste avant qu'il ne passe la porte, le dirigeant de l'abri l'interpella.

"Lieutenant, si vous avez besoin de quoique ce soit n'hésitez pas à venir m'en parler."

Après que le militaire ait quitté son bureau, les yeux de Gordon se reposèrent sur le rapport de l'inventaire et toute la situation lui revint à l'esprit et l'énormité de son geste le frappa comme un éclair. Il massa lentement ses tempes et pria tout les saints de ne pas avoir fait la plus grande erreur de sa vie. Pourtant il était vrai qu'il n'y avait pas d'autre alternative. Après un profond soupire, l'ancien membre de la délégation représentative de l'Arizona se replongea dans sa planification du rationnement.